Smaranda Olcèse : Comment cette nouvelle création vient-elle affiner ou prolonger les recherches déjà entamées avec Le Cercle (2018) ?
Nacera Belaza : Je dis toujours que mes pièces viennent s'inscrire l'une dans le prolongement de l'autre, mais cela n'implique pas du tout une continuité en termes de gestuelle. A la fin du processus de création d'une pièce, j'éprouve la sensation de nouveaux espaces qui se précisent, des choses qui s'annoncent et souvent la pièce d'après vient fouiller ces zones-là et amène la recherche plus loin. Avec cette nouvelle création, j'expérimente à partir d’intuitions que j'ai eues de l'extérieur - Le Cercle étant la première pièce que je chorégraphie sans y danser moi-même - et que je désire désormais éprouver sur le plateau avec les danseurs. Il s'agit donc d'une certaine continuité et d’un approfondissement de la recherche et, en même temps, j'ai besoin de me défaire de certaines choses que je viens de faire, je ne repars jamais sur les mêmes tonalités. Je travaille sur un principe d'images et ces images ne sont jamais les mêmes d'une pièce à une autre. Elles peuvent être aussi éloignées qu'un mouvement infini et un mouvement percussif : ce n'est absolument pas la même langue, cela ne définit pas la même gestuelle, ni le même corps. Pourtant il y a une logique de correspondance entre les pièces. Elles tendent un fil qui suit son cours, tout en représentant chacune des explorations à part entière.
Smaranda Olcèse : Un sens certain de l'épure, la densité du geste, l'intensité de la présence - de quelle manière remettez-vous en jeu ces aspects de votre danse, à chaque nouvelle création ?
Nacera Belaza : Le traitement de la lumière, du son, l'espace vide, le rôle de l'interprète ou des interprètes qui consiste à englober cette totalité, ce sont des fondamentaux qui se retrouvent d'une pièce à l'autre, mais cette image de départ que je viens d'évoquer me permet d'explorer des gestuelles à chaque fois différentes.
Certains chorégraphes, dès lors qu’ils ont trouvé leur gestuelle - que ce soit l'immobilité, le mouvement répétitif ou autre - ne s'en départissent plus, comme s'il s'agissait d'une signature, et préfèrent tout changer par ailleurs. Ce n'est pas ma manière de faire. Je ne vois aucun intérêt à changer la scénographie, les costumes etc. - cela me parait complètement futile, mais par contre, je suis toujours curieuse d'apprendre de nouvelles langues avec mon corps. Je trouve que l'exploration est intéressante précisément à cet endroit-là : pouvoir passer du mouvement répétitif, à la circularité, au mouvement percussif. Je trouve cela passionnant.
Smaranda Olcèse : Revenons un instant au Cercle (2018) et à ces intuitions que vous avez eues en bord du plateau. Vous souhaitez les explorer davantage de l'intérieur dans la nouvelle création.
Nacera Belaza : Tout d'abord je dois avouer que ce n'était pas une situation très confortable de me tenir en bord du plateau. J'ai développé mon travail en conjuguant la vision micro et macro, je pousse de l'intérieur en tant qu'interprète et je vois de l'extérieur en tant que chorégraphe. C'est ma manière de construire. Du bord du plateau, ne pratiquant pas tous les jours les images que j'avais proposées aux danseurs, je ne pouvais pas trop savoir jusqu'où l'on pouvait repousser les espaces ainsi ouverts. C'était difficile. Quand je partage le plateau avec les interprètes, et mon travail repose sur cela, je ne tends pas vers une chose possible, je tends vers une chose qui me semble totalement le fruit de l'imaginaire, presque impossible à atteindre. C'est dans cette tension même que nous allons faire du chemin ensemble en tant qu'interprètes. Certains danseurs tendent vers des choses qu'ils savent déjà possibles. Ils se posent donc la question : comment faire pour les attendre ? Quand on tend vers une chose impossible, on ne sait pas du tout comment ça va se passer et puis, en cheminant, on sent qu'on s'en approche. De l'intérieur, sur le plateau, je sais que je peux faire tomber ces murs : partager ma conviction que c'est possible : « on ne cesse de tendre ». Cela ne se joue pas sur le versant physique, mais vraiment en termes de convictions. Il s'agit de se projeter dans l'inconnu sans frilosité. Je ne trouve pas cela très intéressant d'avancer d'une chose possible / connue / acquise vers une autre d’une même portée. Je vais sur scène pour me dépasser de toutes les manières imaginables. J'essaie de me projeter sans vraiment savoir tout ce que cela va englober. J'ai besoin de cette projection dans le vide et c'est une qualité que j'apprécie infiniment chez les interprètes. Cette tentative chaque fois renouvelée d'embrasser l'inconnu est essentielle à mon travail. Accepter le risque, se tenir à cet endroit où l'on ne maitrise plus, on ne contrôle plus, on accepte d'être dans ce vide, face au public, et on amène tout dans ce vide.
Pour nourrir cette dynamique et cet engagement, nous avons bien évidement toujours des points de départ. Pour prendre un exemple concret, dans cette nouvelle création, il nous faut tenter de disparaitre et ré apparaitre, changer la matière corporelle, dématérialiser son corps dans une fraction de seconde. On n'imagine pas à quel point on a un pouvoir de transformation du corps par l'imaginaire, par la force de la conscience, de l'esprit. On peut décider de devenir l'espace. C'est possible ! Il faut oser, rêver, y croire ! Et surtout ne pas avoir peur de disparaitre pour rejoindre une dimension plus grande ! Dans le processus de création, j'accompagne les interprètes de l'endroit où ils
fantasment sur une chose à l'endroit où ils l'incarnent sans peur. Certains danseurs, face au public, se laissent envahir, tout prend le dessus, les peurs, l'ego... Le défi est de garder cette conscience de chaque micro-mouvement du corps possible, dans le danger du plateau, face au public. Il s'agit de trouver cet état au cœur de la pratique. Je me reconnais dans cette citation de Montaigne: "La vraie liberté c'est de pouvoir toute chose sur soi". Je crois au chemin le plus direct : j'imagine une chose, elle devient possible ! C'est d'ailleurs ce que fait le tout petit enfant.
Smaranda Olcèse : Comment la force des rituels, qui irrigue de manière souterraine vos travaux, nourrit-elle votre nouvelle création ?
Nacera Belaza : Effectivement j'ai passé beaucoup de temps à observer, m'imprégner de certaines danses traditionnelles, proches du rituel. Le mouvement du rituel me fascine : qu'est ce qui fait sa constance ? Quel est son moteur ? Qu'est ce qui lui confère cette densité, cette force ? Par quoi est-il animé ? Comment trouver la force de ces gestes ? Comment retrouver cette intensité, cette densité intérieure qui va donner toute sa raison d'être au geste ? Régulièrement je me suis immergée dans ces milieux. L'année dernière, j'ai eu accès aux archives du Centre de recherches autour de danses traditionnelles en Algérie. Je m'en suis nourrie. Ensuite, pour passer à mon travail chorégraphique, j'ai dû mettre un coup d'éponge, m'éloigner d'une certaine littéralité. Ce n'est pas parce que je vais rester deux mois face à la mer ou dans le désert que je vais parler de la mer ou du désert. Il s'agit davantage de la manière dont cela m'affecte, ce que ça vide ou ce que ça charge. Je ne m'autorise pas l'imitation, je ne copie pas, je mets des filtres. Je sais que si je laisse entrer tels quels des éléments de l'extérieur, cela va dénaturer ce que je porte en moi. Il y a pourtant de très belles danses, je ne vais pas les reprendre sous aucun prétexte. Je suis plus sensible à l'essence des choses, plutôt qu'à leur forme et je me suis affranchie de l'influence de la séduction. Je privilégie le sens et la cohérence. Oui, je me suis imprégnée de ces danses, mais ensuite je pars du vide, de mes petites images avec lesquelles je confectionne toute une pièce.
Smaranda Olcèse : Dites-nous quelques mots sur ces archives. Qu'est-ce qui a retenu plus particulièrement votre attention ? Qu'est-ce qui a conforté votre intérêt pour le mécanisme des rituels ?
Nacera Belaza : Ces archives rassemblent des vidéos, des enregistrements sonores, musiques et chants, des écrits également. J'avais déjà eu la chance de voir en vrai certaines danses en circulant dans le pays. Il y a ce groupe que je cite souvent, qui a marqué un véritable déclic à l'origine de ma pièce Le Cri (2008), un groupe qui vient de la région de Timimoun. Il ne s'agit pas de chanteurs ou de danseurs professionnels, tout simplement des hommes et des femmes, épaule contre épaule, se balançant et chantant. C'est littéralement hypnotisant. Je me pose toujours la question : qu'est-ce qu'il se passe dans cet infime mouvement, pour qu'on arrive à se sentir si plein ? Ils sont en communion et pas en représentation. Ils sont à l'écoute de leur état intérieur, le mental ne fonctionne pas. Les regarder en boucle m'a permis de saisir tout un tas de paramètres qu'il fallait essayer de déconnecter. Ils arrivent à une espèce d'essence du mouvement qui peut durer à l'infini. J'y ai découvert une force qui a été perdue dans les danses qu'on pratique sur les plateaux - on veut tellement être en représentation qu'on s'est vidé de notre essence. Ce n'est pas un mouvement dansé, c'est vraiment un état. Une autre question m'accompagne depuis : qu'est-ce que cet état pourrait construire chorégraphiquement, si on s’efforce de ne pas le dénaturer ?
Smaranda Olcèse : Pourriez-vous nous partager quelques-unes de ces images à l'origine de votre nouvelle chorégraphie ?
Nacera Belaza : Je ne trouve pas très utile de les révéler, c'est de la pure mécanique, c'est plus proche d'une psalmodie de textes intérieurs qu'on se dirait pour produire tel mouvement, pour produire tel imaginaire, qui en traversant le corps et l’esprit de l’interprète, poursuit sa course jusqu’au public. C'est une espèce d'onde. Ce n'est pas cette image que nous souhaitons transmettre au public. J'aimerais que le spectateur reste plutôt à l'écoute de ce qui vient à lui. Cette image nous nous la racontons pour pouvoir tenir toute la structure. Je l'imagine telle un point d'ancrage pour déployer une voile, Qui par le biais de friction stimule l’imaginaire.
Smaranda Olcèse : Attardons-nous davantage sur les fils que vous tirez dans ce processus.
Nacera Belaza : J'avais commencé à explorer ce mouvement infini dès 2008, dans ma pièce Le Cri. Pour cette nouvelle création, j'ai repris ce mouvement et lui ai rajouté un autre mouvement infini qui vient le croiser. La structure qui se met tout doucement en place en ce moment même, lors de cette résidence ICI à Montpellier, pourrait avoir avec le mouvement d'une caméra qui viendrait tourner autour de ces mouvements infinis en les voyant de plein d'endroits différents. Je crée différents angles de vue. Un 8, un infini et un point, et ce n'est plus la même pièce. C'est fascinant. Deux formes géométriques au lieu d'une et nous ne sommes plus dans le même univers.
Smaranda Olcèse : Comment définiriez-vous cet état qui permet que les choses gagnent en intensité ? Quel rôle y joue la répétition du mouvement ?
Nacera Belaza : L'état est certes très important. Il faut d'abord arriver à faire taire le mental. A force de vouloir prouver qu'elle était intelligente, la danse contemporaine n'est devenue que cérébrale, elle a quitté le corps. Sur un plateau, cela ne m'intéresse pas de montrer à quel point c'est intelligent, mais de gagner les profondeurs de mon être, en habitant mon corps. Cet état n'est pas simple à atteindre. Nous sommes tellement fractionnés dans la vie, entre la tête, les jambes, le dos, la force que nous avons ou pas dans le corps - comment redevenir une unité ? C'est déjà un travail qui prend des années et encore on n'arrive jamais vraiment au bout. Il y a donc cette capacité de pouvoir gagner les profondeurs que j'essaie de travailler avec les interprètes. Nous vivons dans une société où nous avons très peu de temps, nous sommes déconnectés de notre intériorité. Il y va d'une véritable atrophie : nous ne sommes pas reliés à ce qui vit à l'intérieur de nous. Il s'agit donc d'apprendre à faire descendre une sonde à l'intérieur de soi-même, habiter cette intériorité, ne pas se laisser parasiter par ses images, ses peurs, ses projections, son mental, pouvoir entendre se dire en tant que danseur : "tu vas sur le plateau et il n'y a rien qui existe à part ce qui va naitre à l'intérieur et qui va tout construire." Certains ont peur d'aller dans cet espace intérieur, de le déployer. Je conjugue cette intériorité, cette unité, avec un état d'ouverture et connexion à tout, il s'agit de ne surtout pas se concentrer ou de se refermer sur soi. Une fois cette mécanique installée, l'image intérieure va se répéter dans ce cadre, dans cet espace de projection ouvert à l'intérieur, à même le corps. Cette image n'a donc rien à voir avec le mental, elle n'est pas sous contrôle, elle est libre de tout mouvement, telle un phénomène naturel. C'est un énorme travail pour arriver à créer les bonnes dissociations, les bonnes tensions pour que cet imaginaire puisse prendre le corps et l'espace. Nous avons perdu notre rapport à l'invisible, l'imaginaire s'est dangereusement appauvri. C'est essentiel pour les danseurs avec lesquels je travaille de pouvoir manipuler l'invisible en eux.
Smaranda Olcèse : De quelle manière le groupe interfère-t-il avec ces dynamiques ? Comment définiriez-vous cette nécessité qui a été la vôtre de travailler à partir de la création Le Cercle (2018) avec un groupe ?
Nacera Belaza : J'ai toujours été fascinée par les chœurs, l'unisson dans les orchestres, dans les chorales, cette capacité de créer le même son. Être plusieurs individus, plusieurs personnalités, mais réussir à s'accorder autour d'un son. Je crois que la danse a autant de moyens que la musique de pouvoir créer ces unissons et pourtant c'est assez rare. Je trouve qu'on ne cherche pas à s'accorder au bon niveau - souvent c'est le corps, les sensations. Accorder les êtres en profondeur, cela nécessite que toute une partie de leur personnalité s'efface, se mette en retrait provisoirement, au profit de cette écoute en profondeur de soi. Il n'y a plus cette peur de s'ouvrir. Le chanteur travaille avec sa voix, certes il utilise tout son corps pour écouter, mais il ne se sent pas traversé comme peut l'être un danseur. En tant que danseur, si on s'ouvre, on sent qu'il n'y a plus d'espace protégé en nous, c'est vertigineux. Souvent on se protège. Bien évidemment, des groupes dansent ensemble, on compte pour tenter de s’accorder. C'est une hallucination totale ! Je ne comprends toujours pas comment on s'imagine que cela pourrait fonctionner. Je ne sais pas compter et cela a été déterminant dans le travail d’écoute que j’ai développé! C'est un outil archaïque, le moyen le plus pauvre de mettre des individus formellement ensemble.
Mes recherches chorégraphiques sont autant de tentatives de s'accorder à des fréquences qui touchent à la totalité de l'être, aux peurs, à l'émotionnel, aux résistances. Il s'agit d'ouvrir tous ces espaces insoupçonnables pour créer un même son, un même geste. C'est prodigieux en groupe ! Pour Le Cercle, dès le début, je me suis dit que je devais trouver une langue commune, atteindre cet état d'unisson y compris en termes d'identité universelle.
Quant aux duos que j'ai pratiqués pendant plus que quinze ans, c'était une manière de définir mon univers. Je ne pouvais pas m'éparpiller en faisant travailler d'autres danseurs, alors que j'étais en train de rechercher les fondamentaux de mon travail. Avec Dalila, il y avait une telle compréhension, une conscience commune, nous étions souvent dans l'implicite. Une fois que j'ai senti que ces fondamentaux étaient assez solides, j'ai commencé à m'ouvrir, tout doucement. Je n'ai pas besoin de beaucoup de personnes pour pouvoir dire des choses. Cet unisson dont je viens de parler nous l'avions déjà à deux. Je veux bien construire un groupe, mais j'y cherche la puissance du solo, ce type d'engagement total, multiplié par les différentes individualités.
Smaranda Olcèse : Donnez-nous quelques indices sur la langue commune que vous êtes en train d'approfondir pour cette nouvelle création.
Nacera Belaza : Je pars de l'infini. J'amplifie cette image avec les outils habituels. Je la place dans un corps situé lui-même dans l'espace infini. L'image demande cette double vision de soi. C'est un corps poreux, qui se laisse traverser par les sons et par les qualités de la lumière. Je pétris la pâte : modifier la perception de chacun, les projections qu'il a sur ce qu'il est en train de faire, sa volonté, le mental, les désirs, les émotions. Faire le vide pour que la chose se produise. C'est un équilibre extrêmement minutieux, chacun doit être sur le même fil. Le travail commence une fois dégagés tous les malentendus autour de la notion d'infini. Créer un espace infini, se perdre à l'intérieur de cet espace, sans début ni fin, impossible à penser, devenir l'infini. Il s'agit de toujours repousser les limites pour que cela s'incarne au bon endroit.
Smaranda Olcèse : Avez-vous des pistes pour la création sonore ?
Nacera Belaza : C'est intéressant d'écouter les bandes son de mes créations les unes après les autres. A chaque nouvelle pièce, il y a des strates supplémentaires qui viennent s'ajouter. Je collecte des sons. Je me rends compte que mes dernières créations sont très agitées. J'ai quelque chose en moi - je sais ce que c'est ! - cette tension qui me fait aller vers ces types de sonorités de moins en moins harmonieuses, plus dans les bruits. Je dirais des matières sonores qui s'entrechoquent. Pour cette nouvelle pièce, il y a des percussions autrement tentées que dans Le Cercle. Je construis par boucles une dramaturgie du son. Ce n'est pas très séduisant à dire, mais je continue à faire la même chose. De ce point de vue, j'admire infiniment les artisans : on n'attend pas du nouveau de leur part, on attend que la chose soit mieux faite. C'est ce qui fait leur art.
Smaranda Olcèse : Les artisans entretiennent aussi un rapport privilégié à la matière.
Nacera Belaza : Exactement. Je travaille des matières. La pièce peut apparaitre très vite du point de vue de sa structure, mais ensuite il y a tout un travail de sculpture : laisser un mouvement infini entrer à l'intérieur, le sculpter de l'intérieur, se redéfinir complètement, devenir l'infini. Éliminer la matière superflue, affiner. C'est la qualité de ce travail sur la matière qui prime, non pas la nouveauté. Chez l'artisan, comme dans les danses rituelles, cette répétition du même geste bien fait me fascine. Il y va de quelque chose qui touche profondément à la condition humaine, en deçà de toute prétention artistique et qui est, en réalité, le socle de tout.
Smaranda Olcèse : Vous n'avez pas encore arrêté de titre pour cette nouvelle création prévue pour 2020.
Nacera Belaza : Ce sont des choses qui viennent plus tard. Je ne veux pas projeter ce que j'ai déjà en tête. Je pourrais passer une soirée avec le dictionnaire chercher un joli titre, mais ce n'est pas ma manière de faire. Il faut être à l’écoute, en observation de ce qui se passe sur le plateau et, à un moment donné, il y a une image qui s'impose, un mot - le plus juste, en interaction avec la pièce - qui apparaît. Je me tiens en attente, sur le qui-vive, je ne sais pas quand cela peut arriver - à la toute fin du processus de création, maintenant, cette semaine, peut-être.
Smaranda Olcèse : A quel moment cette résidence de création ICI vient-elle dans le processus de travail ? Quels aspects de la création en particulier allez-vous approfondir ?
Nacera Belaza : Des choses me traversent. Ensuite nous passons plusieurs semaines en studio. Ce temps de maturation est très important pour moi. Il s'agit de poser, avec les danseurs, les fondations de la pièce. Au fil de ces étapes de travail, je commence aussi à avoir des intuitions concernant la lumière, je fais des collectes de sons en résonance avec l'univers de la pièce. ICI, lors de cette résidence au CCN de Montpellier, nous avons mobilisé pour la première fois depuis le début du processus la technique, son et lumière. C'est la première semaine où je commence à tester une structure, une trame sonore. Nous faisons également des essais de lumière, des niveaux, des matières, à la recherche d'un principe régissant la création lumière. Ensuite, pour les résidences à venir, nous allons vérifier ces hypothèses. Certaines choses vont se révéler. Nous allons devoir nous séparer de beaucoup d'autres. Ce processus d'étude de la lumière, du son et des corps, peut durer pour moi à l'infini. Finalement c’est une bonne chose qu’on m’impose une date de première.
Propos recueillis par Smaranda Olcèse, novembre 2019, ICI CCN de Montpellier